
L'imprévisible séduction du daim Des contre-cultures américaines aux podiums parisiens
Le daim et la mode vivent une histoire d'amour compliquée. Sûrement dû au fait que la tendance ait pris forme loin des podiums, entre aviators et motocyclistes des années 50 et puis vingt ans plus tard avec l'ascension psychédélique des hippies, mais dès son premier atterrissage dans les ateliers, il n'a jamais eu la tenue suffisante pour rester pertinent plus d'une saison. Peut-être que ce qui rend le cuir de daim démodé rapidement est la gamme de marrons pour laquelle nous le connaissons, une coloration rustique qui, dans le monde de la mode, n'est maîtrisée avec succès que par des designers talentueux. Il n'est donc pas surprenant que parmi les pionniers de cette tendance, nous trouvions Ralph Lauren, Yves Saint Laurent et Miuccia Prada : le premier pilier de l'esthétique américaine, le second amateur du street style et des couleurs du Maroc, et la dernière créatrice d'une esthétique par la suite reconnue comme ugly chic (des mondes bien éloignés du charme intemporel du Paris chic). Cependant, si les recherches Google mondiales pour "suede" sont en augmentation constante depuis 2020, avec un +70% l'année dernière, il y a bien une raison, et pour la première fois depuis quelques mois, le quiet luxury n'y est pour rien. Les premières marques à ramener le daim sous le feu des projecteurs des dernières Fashion Week étaient de nouveau été des rebelles, Acne Studios qui, pour la SS24, a présenté des mini-jupes en cuir velouté à l'apparence usée, Loewe qui a dévoilé des pantalons et trenchs aux proportions complètement démesurées, Marni qui a opté pour des coloris ternes comme le gris taupe pour des jupes longues jusqu'aux pieds, et Miu Miu qui les a raccourcies à l'extrême.
Avec une approche plus conventionnelle de la tendance, la Resort 2025 de Gucci a également remis au goût du jour le cuir velouté, mais sur des silhouettes vintage qui rappellent les Swinging Sixties londoniennes, comme les blazers à double boutonnage, les mini-robes, les capes carrées et les tailleurs à manches courtes. À la Paris Fashion Week Men's, pour son grand final, Dries Van Noten a peut-être proposé l'itération la plus élégante de la tendance, tout comme Zegna : le premier avec un ensemble de travail gris chaud au col oversize, le dernier avec une gamme de manteaux prenant leur couleur des champs de lin qui ont inspiré la collection. La liste interminable d'exemples de marques de luxe et non-luxe qui ont évoqué le daim lors des dernières Fashion Week est la preuve irréfutable que ce matériau a enfin trouvé une nouvelle voix dans le chœur dynamique des tendances. Mis à part les sneakers (et ici nous citons les grands classiques Puma Suede et les Triple Stitch de Zegna), pour l'instant, il semble vraisemblablement que la relation tumultueuse entre la mode et le daim soit arrivée à un moment de calme. Reste à voir s'il s'agira d'une autre passade ou d'un véritable amour.