Pourquoi Courrège est le meilleur fashion revival de ces dernières années Interpréter l'esprit ne signifie pas retracer le passé

Nicolas Di Felice connaît actuellement son heure de gloire. Courrèges, la marque qui lui a été confiée il y a presque exactement trois ans, n'est pas seulement acclamée par la critique, mais on peut la voir dehors, portée dans la rue par de vraies personnes – c’est peut-être le plus beau compliment qu’on puisse faire à un créateur. Le succès de ce revival n'était pas évident: qu'est-ce qu'une marque-symbole des années 1960 aurait à dire au public d'aujourd'hui ? Le risque était bien sûr de se retrouver face à l'un de ces zombies de la marque qui utilisent un nom plus ou moins reconnaissable pour déguiser une identité sans aucun rapport avec le passé. Mais Courrèges était (et est restée) une marque particulière : née dans les années 1960 comme la première maison de mode à rompre avec le passé, fondée par un étudiant en ingénierie et ancien élève du grand Balenciaga, au cri de "la beauté est logique", la marque a introduit et popularisé les coutures trépointe pour raidir les ourlets, la gabardine de laine pour créer des vêtements résistants et, en général, une approche du vêtement de jour entièrement orientée vers la modernité, vers l'aujourd'hui. Lors d'une récente interview accordée à BoF, M. Di Felice a prononcé une phrase que tout créateur aux prises avec un revival devrait encadrer dans son studio : « La pire des choses serait d'essayer de copier, de parodier, de tenter de ressusciter ce qui n'existe plus. Rien ne vieillit plus une marque que de se copier elle-même ». Ce que Di Felice a voulu dire, c'est qu'une opération de relance réussie (mais à ce stade, même une simple inspiration) est basée sur l'interprétation de l'esprit original du design, sur l'approche adoptée par le fondateur, plutôt que sur un moulage du passé.

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Mais le plus intéressant est encore une fois la réinvention moderne de l'esprit originel de la marque. En effet, dans les intentions du fondateur, Courrèges se voulait une réponse à la mode mondaine des années 50 si attachée au passé - une réponse formulée avec les mêmes outils et la même quête de chic que le luxe français classique mais avec des résultats totalement opposés. En effet, lors de la présentation de sa première collection en 1961 (la fameuse collection Moon Girl date de 1964), Courrèges n'avait présenté que quelques dizaines de robes de jour et aucune pour le soir, allant ouvertement à l'encontre des règles de la couture qui prévoyaient des présentations de plus d'une centaine de modèles répartis entre le jour et le soir. Ce choix a peut-être été dicté par un manque de fonds (les robes du soir sont plus précieuses et donc plus chères à produire), mais il s'agissait également d'une décision programmatique due au désir de créer une garde-robe moderne à porter, en effet, tous les jours. La question de l'accessibilité a également été abordée par les deux créateurs. L'année dernière, Di Felice a déclaré à Vogue : «À l'époque, André [Courrèges] s'adressait à la jeune génération. [...] Je veux donc vraiment que les jeunes puissent s'acheter des vêtements». Un sentiment similaire à celui du créateur original qui a lancé deux lignes de diffusion afin de se démocratiser, qui a déclaré qu'il ne s'intéressait pas au luxe des vêtements mais à leur fonctionnalité et qui a déclaré un jour : «Je réalise pleinement à quel point mes prix élevés sont immoraux. Mon public est trop limité. Bientôt, je devrais avoir la possibilité et les moyens d'habiller des femmes qui n'ont pas les moyens de s'habiller avec des vêtements Courrèges originaux. Les femmes qui travaillent m'ont toujours intéressé au plus haut point. Elles appartiennent au présent, à l'avenir».

En somme, le travail que Di Felice a effectué (et dont il serait peut-être le meilleur divulgateur) est le travail déductif qui consiste à partir des mêmes prémisses générales établies par le fondateur pour arriver à des solutions particulières qui diffèrent de celles du passé. Le contraire de cette méthode, que l'on pourrait qualifier d'inductive, consisterait au contraire à partir des vêtements d'archives pour remonter à l'identité de la marque. Seulement, cette dernière méthode conduit nécessairement à une identité de marque différente de celle d'origine alors que la méthode "déductive" part de cette identité d'origine pour arriver à des résultats différents qui restent la conséquence de ces intentions. Une méthode que beaucoup d'autres designers devraient garder à l'esprit : après tout, la beauté, comme le disait Courrèges, n'est que logique.